Conférence 2 avec Daniel Boisvert – Docteur en sciences de l’éducation à l’Université de Montréal, professeur au département des sciences du loisir de la communication sociale de l’Université du Québec à Trois-Rivières et membre du consortium national de recherche en intégration sociale
L’accessibilité est une préoccupation particulièrement importante de nos jours. La recherche dans le domaine de l’accessibilité est moins courante.
J’ai effectué ce travail de recherche avec Marie PAQUETTE, docteur en psychologie et chercheuse professionnelle sur les questions de handicap. Lorsque nous parlons de situation de handicap, nous avons souvent l’impression de parler de groupes homogènes. Nous nous apercevons que les adaptations doivent être multiples. Il n’y a pas une adaptation dans un contexte particulier qui peut répondre à l’ensemble des limitations que les personnes peuvent vivre. Nous constatons que l’accessibilité pour les personnes avec des limitations intellectuelles est encore très loin d’être disponible dans nos sociétés. Paradoxalement, quand je cherche « Accessibilité dans le domaine visuel », j’ai facilement et très rapidement tous les écrits scientifiques qui portent sur ce type de limitation fonctionnelle.
Nous avons retenu 563 articles scientifiques qui correspondaient aux mots-clés. Et nous avons retenu 127 articles dont nous avons fait le résumé, que nous avons entré dans notre base de données. Cette démarche nous semblait pertinente par rapport au thème de normes/ de situation de handicap/d’accessibilité. Ce qui est notable entre 2017 et 2020, est de retrouver plus d’articles scientifiques. Ce sujet monte en puissance, de par le nombre d’écrits et le nombre d’auteurs qui se sont intéressés à ce type de situation. Nous nous apercevons que les données théoriques ne représentent que 23% des articles qui ont été présentés. Tandis que les articles empiriques représentent 66%. Ce sont les deux tiers des articles qui sont publiés et qui ont fait l’objet d’une validation ou d’une expérimentation. L’accessibilité n’est pas un domaine théorique. Ce n’est pas un concept abstrait. C’est un sujet que les chercheurs vivent de manière concrète. Il est particulièrement important de trouver des solutions qui mènent à la création de normes ou à des artefacts pour permettre aux personnes de surmonter des difficultés les plus importantes. Ces grandes analyses-là, nous aident à porter un regard sur la crédibilité des articles publiés. La population représentée au travers des études sur l’accessibilité est au niveau de l’enfance, de 34% des articles, de 43% pour les adultes. Les adultes et leur situation de handicap, c’est un domaine particulièrement préoccupant. Seulement 9% des thèmes sont consacrés aux personnes âgées. En deuxième lieu arrive l’accessibilité à la santé, qu’elle soit physique ou psychique. Les deux secteurs cités préoccupent particulièrement les chercheurs comme les transports et les déplacements.
Qu’entendons-nous par accessibilité à propos de recherche qui ont été publiées ? Certains services liés au transport, à l’éducation, à l’apprentissage peuvent être utilisés par tous pour se rendre sur le lieu de l’activité, indépendamment de leur limitation fonctionnelle. Il apparaît un manque réel de conception sur certains aménagements spécifiques liés aux différents types de handicap ce qui entraîne des situations d’exclusion. Les personnes sont stigmatisées parce que les services ne sont pas accessibles. Il n’y a pas une prise en compte global de la notion d’accessibilité. Nous travaillons beaucoup plus en silo chacun de son côté, soit en fonction de nos limitations fonctionnelles, soit catégorie par catégorie.
L’usager est sur une norme de fonctionnement ce qui permet une certaine accessibilité. Mais il n’y a pas toujours un retour des usagers vers les politiques ou les législatifs qui permette de bien cibler ce changement de fonctionnement social. Ce changement sera permanent. Nous ne pouvons pas travailler ponctuellement la question de l’accessibilité. C’est une question fondamentale de l’évolution de l’humanité que de se préoccuper constamment, de permettre à l’ensemble de nos citoyens, de nos collègues, de nos confrères de pouvoir agir avec le plus d’accessibilité, avec le plus de production sociale possible. En retirer le maximum mais aussi donner le maximum aux autres pour avoir une société plus juste et plus démocratique. Je pense notamment aux personnes porteuses d’une déficience intellectuelle qui représente presque 3% de la population. Faire connaître les pratiques exemplaires dans le domaine pour inciter d’autres à suivre les pratiques, à financer, à développer les recherches novatrices pour la prochaine génération de normes. Parce que les normes et leur qualité évoluent en même temps que nous pouvons appliquer les normes. À chaque fois qu’il y a l’application d’une norme, la question doit se reposer. Est-ce que ce sont les bons produits ? Parce que les besoins de la population changent aussi et les limitations fonctionnelles varient et changent aussi. Les limitations fonctionnelles varient d’une région à l’autre, d’un groupe à l’autre, d’une période à l’autre aussi.
Qu’en est-il de l’usage ? L’usage, c’est se servir d’un produit, d’un service, d’une possibilité. Utiliser un service ça revient souvent et l’usage est teinté par ce jugement ce qui nuit beaucoup à l’accessibilité. Les obstacles financiers sont souvent évoqués dans les entreprises privées ou des grandes firmes.
Dans le domaine de la santé, il n’y a pas non plus beaucoup de choses qui sont faites. Dans les déplacements non plus, compte tenu des coûts élevés au niveau des transports. Il existe des milieux sous-équipés voire inaccessibles comme les cabinets de médecine ce qui est aussi la réalité au Québec et au Canada. La communication est souvent défaillante entre les professionnels, entre les services ou entre les guichets. La pluridisciplinarité et l’interprofessionnalité sont essentielles à la participation active et la consultation réelle des personnes en situation de handicap. La participation doit être active à la résolution de problèmes que nous pouvons avoir en santé et à l’application de nos programmes de santé. Très peu d’organismes, très peu de structures médicales font appel de façon active à cette participation du client patient. L’accessibilité aux études supérieures reste encore très difficile. Nous n’avons pas encore mis de mécanisme, sauf au niveau physique. Il existe de plus en plus d’adaptations réalisées sur les plans intellectuels et psychiques. Comme par exemple les classes adaptées et inclusives qui répondent aux besoins particuliers de certains enfants ou adolescents. A juste titre, il faut permettre aux personnes d’accéder à l’éducation régulière en ayant des pédagogies adaptées à l’intérieur des écoles normales, régulières et traditionnelles, avec les autres élèves. De plus en plus d’entreprises mettent en place les normes qui rendent accessibles les services. Ce sont nos politiques et nos actions sociales qui influenceront les maîtrises d’ouvrages. Les normes devraient aussi assurer l’accessibilité à des habitudes de vie. Prévenir des obstacles, c’est important qu’on s’en préoccupe dès aujourd’hui.
L’usager doit pouvoir intervenir comme « maître d’usage » dans les projets ce qui développera le sentiment d’efficacité dans la conception et qui renforcera son autonomie. Il faut passer par ces étapes qui sont importantes pour devenir maître d’usage. Ensuite, il faut avoir une connaissance plus approfondie du milieu de ce collectif pour être plus fort et tirer profit du savoir expérientiel du collectif afin d’être capable de parler davantage de l’accessibilité.
En conclusion, quelques pistes de réflexion apparaissent.
Je pense qu’il faut se poser la question suivante : comment soutenir de manière efficace l’ensemble du collectif qui travaille à rendre accessible les services à une population ?
Pour faciliter l’inclusion sociale il faut tout d’abord s’appuyer sur les compétences des personnes concernées et leur permettre d’exercer leur pouvoir d’agir Ils ne font pas qu’éliminer les obstacles. Il faut permettre aux personnes de se développer avec l’usage des services. Comment favoriser le savoir ? Il faut probablement développer des normes qui reposent sur une dynamique collaborative entre les politiques, les systèmes de service et les usagers. Et enfin, l’accessibilité devrait aussi se développer comme un moyen au service des personnes.